Project Description

Méthode féline d’adoption d’un humain

L’humain était allongé sur son lit, comme tous les jours. Contemplant tristement le plafond, il fut tiré de ses pensées par un miaulement désespéré. Il tenta bien de l’ignorer, mais le miaulement ne s’arrêta pas, continuant à monter dans les aigües.

Lorsque son intensité finit par empêcher toute abstraction, l’humain se leva, et alla ouvrir sa fenêtre. Dans le grand arbre qui la jouxtait, un jeune chat était pris au piège. Aventurier un peu trop hardi, le matou semblait incapable de redescendre. En voyant son échappatoire se dessiner devant lui, c’est donc tout naturellement que le minet emprunta la branche sur laquelle il se trouvait avec une vélocité surprenante, avant de bondir droit dans l’appartement.

L’humain regarda le chat. Le chat regarda l’humain. Il miaula. L’humain soupira. Il laissa la fenêtre ouverte, et alla se recoucher en espérant que le chat disparaîtrait de lui-même. Ce que n’avait visiblement aucune intention de faire l’animal. Il miaula. L’humain l’ignora. Le chatl miaula à nouveau. L’humain continua son manège. Alors le chat s’invita sur le lit, puis sur l’humain.

Surpris, il écarquilla les yeux, mais resta parfaitement immobile. Le chat commença à faire jouer ses pattes d’avant en arrière en ronronnant. Une fois qu’il estima que sa place était suffisamment travaillée pour être confortable, il s’installa et devint une parfaite boule de poils.

Une heure plus tard, le chat n’avait toujours pas bougé, de même que l’humain. Il se surprit cependant à le caresser machinalement, et plus surprenant encore, à aimer ça.

A la fin de l’après-midi, le chat se releva, s’étira en usant de toute sa majesté féline et se dirigea vers la porte d’entrée. Voyant que l’humain ne daignait décidément pas se lever, il commença à gratter avec une insistance croissante. L’homme, exaspéré par le bruit, finit par capituler. Il alla jusqu’à la porte, et l’ouvrit, presque à contrecœur. Le chat fila dans l’escalier sans se retourner. L’humain se surprit à se demander si le chat reviendrait, et le cas échéant, si un certain rituel s’installerait.

Partagé quant à ses sentiments, cet intrus s’étant quand même révélé un peu trop à l’aise dans son propre foyer, il alla se recoucher et regarda le plafond. Si le chat revenait un jour, ne devrait-il pas faire installer une chatière ? Puis il se dit que cette probabilité était si mince qu’il aurait investi pour rien parce qu’après tout les chats étaient des animaux bien ingrats, la preuve, l’autre était parti sans même un miaulement de remerciement.

Il en était là de ses pensées sur la question et décida de ne pas s’y attarder plus longtemps. C’était sans compter sur le chat, qui quelques heures plus tard, miaulait de nouveau à qui mieux mieux dans l’arbre. L’humain prit le parti de l’ignorer à nouveau. L’expérience l’avait trop chamboulé, hors de question de recommencer.. Mais le chat dérangeait les voisins à une heure tardive, et ils commençaient à s’agglutiner au pied de l’arbre avec animosité.

L’esprit de l’humain fut partagé. Si il ouvrait à nouveau la fenêtre, tout le monde verrait le chat rentrer chez lui, et les voisins le catégoriseraient comme “son” chat. Même si ce serait plutôt l’inverse pour le chat, cela impliquerait de prendre les responsabilités liées à la présence d’un animal. L’humain soupira. Il n’en avait aucune envie.

D’un autre côté… S’ il ne faisait rien, il condamnerait sûrement le chat à descendre face à la foule en colère, ce qui risquait de très mal se terminer pour lui. Certains voisins avaient déjà ramassé des pierres avec lesquelles ils essayaient d’atteindre l’animal famélique.

Le chat regarda l’humain. L’humain regarda le chat. Devant l’insoutenable reproche contenu dans le regard vert, comme une réprimande face à son manque de compassion, l’humain sentit sa résolution vaciller. Il soupira, referma les pans de son peignoir pour éviter une inconcevable indécence qui n’ajouterait qu’au scandale et posa sur la main sur la poignée de la fenêtre.

“Bon… Comment je vais l’appeler moi, déjà ?”