Project Description

La sagesse de l’araignée

L’araignée qui habitait dans le coin supérieur droit du bureau du docteur Lazlo se reposait tranquillement quand, une fois de plus, un courant d’air vint agiter sa toile. Elle finissait par se demander si il ne serait pas plus intelligent de recommencer une nouvelle vie quelques mètres plus loin, là où au moins le froid ne lui causerait plus d’engelures aux pattes, quand quelque chose attira son attention.

En effet, le docteur partait habituellement lorsque le soleil avait disparu depuis trop peu de temps pour qu’on parle de nuit, mais que les premières étoiles pointaient leur nez afin de réchauffer l’atmosphère hivernale. L’araignée pouvait alors se permettre de sortir en toute tranquillité sans que personne ne hurle ou ne tente de l’écraser, ce qui lui était arrivé suffisamment de fois pour qu’elle s’estime chanceuse d’être encore en vie. Or, donc, ce soir-là, le docteur Lazlo avait visiblement décidé de prolonger sa journée avec un dernier patient. Se frottant l’un de ses nombreux yeux avec l’une de ses huit pattes, la bestiole passablement affamée décida tout de même d’aller vérifier discrètement un des pièges gluant qu’elle avait laissé non loin. Un peu hésitante au premier abord, elle fut rassurée lorsqu’elle constata que personne ne semblait lui prêter une quelconque envie meurtrière dans l’immédiat.

Le docteur se trouvait dos à elle, elle pouvait en effet apercevoir ses cheveux grisonnants dans son familier fauteuil en cuir chocolat, tellement élimé qu’elle finissait toujours par se demander si le siège était vraiment confortable. Mais le docteur y tenait, au point que le praticien se fiche de l’image étonnante qu’il renvoyait ainsi à ses patients. Grâce à sa position favorite, les jambes croisées -toujours la droite sur la gauche- elle put constater qu’il portait de jolies chaussures de ville, impeccablement cirées comme toujours. Ainsi qu’un pantalon de costume. Peut-être le docteur avait-il un rendez-vous galant ? L’araignée pouffa, si tant soit peu que vous arriviez à imaginer une araignée pouffer, et songea qu’un célibataire aussi endurci que ne l’était son psychiatre préféré avait peu de chance de choisir son cabinet austère et son fauteuil éliminé comme perspective de séduction. Elle avait fini par l’apprécier le vieux bonhomme, avec ses silences ponctués d’interventions toujours polies et pertinentes, jamais un mot plus haut que l’autre, toujours accompagné d’une expression imperturbable.

Ah non pas toujours semblait-il. De l’angle du plafond auquel elle se situait, elle prit conscience que le docteur était moins calme que d’habitude. De l’excitation ? De l’inquiétude ? Elle n’aurait su le dire, n’étant pas franchement spécialiste en décryptage d’émotions humaines. Trop de signaux envoyés à la fois. A la rigueur, elle pouvait détecter le dégoût et la peur qu’elle inspirait, réflexe de survie oblige. D’ailleurs elle en tirait une certaine fierté… Un bruit coupa net le cheminement de ses pensées. Il provenait du canapé à côté du fauteuil élimé. C’est là que le docteur faisait asseoir ses patients, loin du divan rouge cliché que l’on imagine toujours dans les cabinets où l’on traite l’esprit humain. Celui-ci était plutôt du genre confortable, d’un bleu turquoise assez surprenant et il permettait aux patients d’adopter la position souhaitée le plus naturellement du monde, comme s’ il avait été taillé sur mesure pour chacun d’eux. Le docteur fondait souvent ses premières impressions sur la façon dont la personne s’installait lorsqu’il indiquait d’un mouvement innocent du bras le meuble coloré.

Cette fois, l’araignée fut surprise. Elle évita de justesse le coup de… cendrier ?! Que failli lui porter l’homme, et fila de toute la vitesse de ses petites pattes se réfugier en tremblant derrière une plante pot.

« Saloperie » grommela l’homme qu’elle n’avait pu qu’entrapercevoir.

« Allons, allons, n’écrasez pas cette pauvre bête qui n’a rien demandé ! Depuis le temps qu’elle est ici, je pourrais presque la considérer comme ma collaboratrice la plus proche ! Vous souffrez d’une phobie des araignées ?

-Non. Un dégoût profond seulement.

-Je vois. Saviez-vous que selon un récent sondage, 80% de la population française serait arachnophobe ?

-Non. Mais me voilà ravi d’apprendre que 80% de la population souhaite voir disparaître ces saloperies. L’union fait la force.

-Mais c’est très utile les araignées ! Ca mange les insectes nuisibles, et tenez, saviez-vous que grâce aux araignées, on évite chaque année des milliers de morts du paludisme ? Elle mange les moustiques porteurs du virus et, heu,…

L’araignée écoutait d’une oreille seulement les explications données par son sauveur. Quelque chose chez cet humain l’intriguait. D’une part, bien que grossier envers elle, l’homme s’exprimait d’un ton étrangement posé. Un calme imparable, envoûtant. Presque au point de faire passer le docteur pour un imbécile. D’instinct, elle se méfia. Après tout, les humains qui venaient consulter le psychiatre n’étaient pas normaux, du moins au sens où les autres humains l’entendaient. Mais quelque chose dans la voix du docteur lui disait que ce type n’était pas ordinaire. Le docteur semblait fasciné. Il s’efforçait d’agir comme à l’habitude mais son manège ne semblait échapper ni à l’araignée, ni à l’homme écoutant poliment les déblatérations sur les bienfaits des veuves noires africaines.

« … et donc voilà pourquoi, si vous n’avez pas une phobie poussée mais seulement un dégoût prononcé, ce qui n’est pas la même échelle et peut être contenu, je vous prierai de laisser ma colocataire à huit pattes en paix.

-Entendu.

-Ah heu… Très bien.

-Un problème ? Je semble vous troubler docteur.

-Oh c’est juste que j’ai perdu l’habitude que mes visiteurs coopèrent aussi facilement, encore moins aussi rapidement…

-Mais nous savons tous les deux que je ne suis pas un patient ordinaire, n’est-ce pas docteur ?>>

L’araignée sentit ses poils se hérisser. Elle n’aurait su dire si le rictus bref qui venait de déformer le visage, somme toute assez beau pour un humain, de l’interlocuteur était une simple marque de politesse ou un mauvais présage. Le docteur dut le percevoir également, car son ton se fit soudainement plus neutre, plus professionnel.

<< En effet, jeune homme, en effet… Ordinaire est un adjectif loin de vous convenir. Si nous en venions au fait ?

– Mais je vous écoute docteur. C’est vous qui avez demandé à me voir. Il est rare que j’obtienne une autorisation de sortie, comme vous voyez je me suis fait beau pour mon contact avec l’extérieur. Je crains cependant que s’il ne soit trop long, je finisse par me lasser. Il faudrait alors faire attention à mes anciens travers.

– Ah ! Vos « anciens travers » comme vous dites. C’est ici que se trouve mon intérêt.

-Je vois. Que pensez-vous de la mort docteur ?

-La mort ? Hé bien, c’est une finalité de la vie, un passage obligé mais que l’on souhaite tous voir arriver le plus tard possible.

-Allons docteur. Un grand homme comme vous. Vous êtes l’un, sinon le meilleur spécialiste en psychiatrie criminelle de ce pays. Même le stupide gardien qui vient contrôler deux fois par jour le fait que je sois toujours présent alors que je suis entouré perpétuellement de béton m’aurait fait une réponse plus sincère. Or, vous êtes loin d’être stupide.

-C’est fou de voir qui on est prêt à embaucher pour lutter contre l’absentéisme en prison, hein…

-Allons, vous tentez de changer de sujet ? Encore une fois, c’est vous qui m’avez venir. Vous n’avez pas pris ce risque pour m’entendre parler de mes conditions de détention n’est-ce pas ? Arrêtez donc votre petit numéro quelques instants. Je ne suis pas un patient venu ici pour soigner son vertige, mais je vous accorde une entrevue en quelque sorte, et vous êtes l’instrument de cette entrevue.

-En vérité, votre question m’a surpris.

-Pourrais-je vous demander en quoi était-elle surprenante ?

-C’est une question intéressante mais je suis docteur en psychiatrie criminelle, aussi la mort n’a chez moi pas la même signification qu’ailleurs.

-Expliquez-vous.

-Disons que lorsque l’on s’adresse aux gens en parlant de la mort, deux options se posent : soit ils en ont peur, soit elle les fascine. C’est un principe fondamental.

-Et les gens qui ne ressentent rien ?

-Je dirai que ces gens ne voient la mort que comme un concept et qu’ils n’y ont jamais été réellement confrontés.

-Et vous docteur, quel type de mort vous sied le mieux ?

-Je préfèrerai le troisième mais je crains qu’elle ne me fascine plus qu’elle ne m’effraye.

-Intéressant.

-Comme vous dites. Je tente de comprendre la mort. Pas du point de vue scientifique non, en cela le processus est tout aussi fascinant, mais il conduit à une fin connue. Je cherche à la comprendre du point de vue humain. Comment elle agit sur les personnes dans leurs derniers instants. Comment l’entourage la perçoit. Quels impacts elle laisse dans son sillage en somme.

-Vous êtes donc le psychiatre de la mort.

-C’est un peu bref, mais assez bien résumé. « Le psychiatre de la mort ». On dirait le titre d’un polar à suspens. Et vous, mon ami, que pensez-vous de la mort ?

-Avant toute chose docteur, ne faîtes plus l’erreur de m’appeler mon ami. Je ne suis l’ami de personne sinon moi-même et j’entends bien le rester jusqu’à la fin de ma vie. Quant à mon avis sur la mort, il me semblait que vous l’auriez déjà décrypté.

-Très bien. Comment souhaitez vous être appelé alors ? Je pense commencer à vous comprendre. Et je pense que la mort est pour vous source, non pas uniquement de fascination, mais d’amusement.

– Bonne réponse docteur. On m’a affublé de tellement de surnoms pendant ces dernières années que j’en ai presque oublié mon nom. De même que la justice qui n’a pas su le retrouver, vous pouvez m’appeler comme les journalistes. “L’égorgeur”. Ou “Mordred” C’est plutôt flatteur.

-Vous trouvez le surnom « Mordred » flatteur ?

-Il me prête une ascendance royale, par deux fois. Le fou qui tua son père. Et il décrit plutôt bien ce que je fais. Mordred, mordre… C’est proche.

-Vous avez tué votre père ?

-Bien sûr docteur. Il ne fut pas le premier et certainement pas le dernier. Tous les enfants tuent un jour leurs parents. Certains symboliquement, d’autres par l’acte, mais le plus grand meurtrier sur cette planète, c’est le temps. Et tant que nous existons, notre temps grignote celui de nos parents et il est logique que la réalité nous rattrape : nous sommes des meurtriers en puissance et le temps n’est autre que l’arme du crime. D’ailleurs, j’ai également tué ma mère. Métaphoriquement ou pas, c’est à vous de trancher.

-Est-ce une confession, ou non ? J’ai du mal à vous saisir.

-Faut-il nécessairement confesser selon vous ? Tenez, le choix de ce mot est révélateur. Croyez-vous en Dieu, docteur ? Ou vous prenez-vous pour lui ?

-Excellent question. Je prends au passage note que vous détournez les sujets dont vous ne souhaitez pas parler avec une facilité déconcertante. Pour vous répondre, je ne crois pas en un dieu mais j’espère sincèrement que quelque part la vraie bonté existe, celle désintéressée. Pour moi, l’espoir est par exemple une sorte de Dieu.

-Je ne détourne pas les sujets, je nous épargne une discussion ennuyante. L’ennui est le pire des maux. Et le fait que je vous raconte la mort de mon père ne vous aidera pas plus à déchiffrer mon esprit que celui de l’homme qui a tué votre dieu. Pour moi, Dieu, sous toutes ses formes, n’existe pas, et si réellement l’hypothèse d’une vie après la mort est envisageable, qui nous dit que je ne serai pas l’exemple même de la bonté dans cet autre monde ? Cette idée m’amuse follement.

-Vous vous prenez pour une sorte de dieu vous-même en réalité.

-Jouez-vous aux échecs docteur ?

-Ca m’est arrivé quelques fois.

-Vous connaissez donc le principe. Bien. Partons d’un jeu d’échec. Si je suis un simple pion sur l’échiquier, il est simple de me manipuler. Or, un simple pion, s’il réussit à évoluer en reine, peut prendre le roi et mettre en échec l’adversaire. Le roi en revanche intervient à peine pour fuir ou prendre un pion. Ici, le roi est dieu et nous sommes ses pions. Mais si nous devenons reine, nous pouvons renverser le roi. Vous suivez toujours ?

-Pour vous la vie est une partie d’échec. On en revient toujours à l’amusement, mais calculateur.

-Exactement. Mais pour tout vous avouer, je suis plutôt du genre à regarder mourir les pions. Je ne suis pas la reine, ni le fou, ni même le roi. Je suis le joueur et je sacrifie mes pièces comme je l’entends. Si je perds face à mon adversaire, alors il est justifié que je m’incline devant lui.

-Vous vous inclinez devant l’adversaire ?

-Disons simplement qu’il a gagné la partie. Mais l’expression « ce n’est que partie remise » ou « prendre sa revanche » n’a pas été inventé pour rien. Pour en revenir à mon père, disons simplement que j’ai pris ma revanche sur lui.

-Il vous a mené la vie dure ?

-Non. Il existait simplement. Je me rends compte aujourd’hui que nous avions beaucoup de points communs. Je vis enfermé dans une cellule, il vivait enfermé dans sa tête.

-Comme nous tous.

-Non.

-Non ?

-Docteur enfin, faîtes au moins semblant de ne pas analyser chacun de mes mots. Vous accordez beaucoup trop d’importance à un simple non.

-Un simple non peut vouloir dire beaucoup de choses.

-Ou simplement non.

-… Il semblerait. Ce non interrogatif de ma part voulait induire plus d’explications de votre part sur les fenêtres de votre tête.

-Ma tête n’a pas de fenêtres.

-Mais vous venez de dire….

-Comment pouvez-vous poser des fenêtres sans murs ? Il n’y a nul besoin d’ouverture quand il n’y a pas d’enfermement.

-Vous voulez dire que vous n’avez pas de limites ?

-J’ai des limites physiques. Si j’essayais de vous traverser le corps avec ma main, il faudrait d’abord que je creuse un trou dans votre poitrine. Mais intellectuellement parlant, les limites n’existent que si quelqu’un se donne la peine de les poser.

-Si je vous demande si vous êtes capables de tuer quelqu’un aujourd’hui ?

-Evidemment. Nous le sommes tous.

-Je suis en désaccord sur ce point, Mordred.

-Cela veut probablement dire que vous étiez d’accord sur les autres. Je vous écoute. Soyez convaincant.

-Prenons un exemple simple : une mère ne peut tuer son enfant.

-Faux. Une mère est capable de prouesse pour ses enfants, mais elle est également capable de les tuer. Je ne parle pas ici de regrets mais bien de capacité.

-Dans quelles circonstances une mère pourrait-elle tuer son enfant, enfin ?!

-Allons docteur, vous réfléchissez comme un célibataire et non comme un père. En plus vous être psychiatre criminel. Ca craint. Vous devriez rencontrer du monde. Si son enfant souffre et qu’il est condamné, la mère n’hésitera pas à sa demande ou par amour à lui rendre ce service.

-Si il est condamné.

-Nous le sommes tous, docteur. A plus ou moins longue échéance. Nous sommes également tous des tueurs, nous l’avons tous été. Animaux pour certains, est ce pour autant moins grave ? Une vie est une vie. Croyez-vous vraiment que sans les sanctions qui nous menacent, nous nous tiendrions aussi sagement ? Vous avez étudié la lie de l’esprit humain et ses mécanismes, et tout ce que vous réussissez à trouver comme argument est la pitié d’une mère. J’estime mériter mieux.

-Vous êtes dur.

-Je commence à trouver cette entrevue ennuyeuse.

-Vous m’en voyez désolé, Mordred.

-Pas autant que moi. Cessez de prononcer mon nom comme si c’était la chose la plus délicieuse du monde dans l’instant. C’est indécent.

-Peut-être que votre vrai nom me paraîtrait moins fascinant.

-Certainement. Néanmoins il ne présente ici aucun intérêt. Reparlons de la mort si vous le voulez bien.

-Parlons de votre rapport à la mort. Ou aux morts. Enfin aux personnes que vous avez tuées. Quels étaient vos critères de choix ?

-L’ennui. Je ne le répéterai jamais assez. Il n’est de pire maux que l’ennui. Je suis dans la recherche perpétuelle d’une distraction quelconque. Lorsque j’ai épuisé le champ des possibles immédiats, il me faut une nouvelle source d’adrénaline. Je me contrôle en permanence mais le manque d’adrénaline produit la même réaction qu’une drogue : j’ai besoin d’un shoot au plus vite. Malheureusement mon premier shoot s’est trouvé être un meurtre dans des circonstances purement hasardeuse. Et j’ai aimé ça. Cela surpasse tout plaisir sur cette planète. Sept milliards d’êtres humains, sept milliards de victimes potentielles. Et le plus beau, c’est que je suis un prédateur silencieux et imprévisible. Je suis le maître du jeu, et j’ai toujours dix coups d’avance.

-Pourtant, vous n’aviez pas prévu votre arrestation et cette entrevue…

-En êtes-vous sûr docteur ?

-Pardon ?

-Etes-vous bien sûr que mon arrestation cette entrevue était imprévisible ?

-Evidemment, enfin, j’ai demandé à analyser votre cas sous couvert d’anonymat, vous avez été mis au courant dans la journée seulement…

-Imaginez, docteur. Vous êtes un génie. L’ennui vous ronge peu à peu malgré vos shoots. Vous vous habituez à la drogue et elle ne produit plus tout à fait le même effet euphorisant. Loin de là. Vous vient alors une idée folle : il vous faut un sevrage. Pas pour vous guérir, non, mais pour pouvoir une nouvelle fois expérimenter les sensations des premiers jours. Un problème se pose cependant : vous êtes incapable de vous arrêter suffisamment longtemps pour arriver à un résultat optimal. Quelle solution faut-il envisager alors ? Trouver un complice ? Non, vous aimez la solitude et refusez toute aide ou tout contact inutile. De plus, le risque est trop grand de se faire avoir un jour. Mais si c’est vous qui vous faisiez avoir de votre plein gré ? La société vous considérera comme fou dangereux au vu de vos idéaux. Et les fous dangereux vont dans des centres pour fous dangereux. Seuls, isolés de tous. Le sevrage parfait. Il faut cependant trouver une solution pour s’échapper à un moment. Quoi de plus simple que se renseigner sur le nom du plus grand psychiatre criminel français ? Vous devriez faire attention aux informations dans la presse. Elles en disent long. Le plan est prêt. Vous vous rendez au commissariat un joli soir de juin. Vous confessez une trentaine de meurtres, êtes gentil, poli, aimable et on vous envoie en cellule psychiatrique pour ce qu’on pense être la future fin de votre vie. Heureusement, comme vous l’avez si bien dit, on embauche n’importe qui pour pallier à l’absentéisme en prison. Le gardien a votre âge, vous sympathisez, et commence alors plusieurs années de manipulations psychologiques. Ce qui permet, au moment fatidique ou il devrait monter la garde devant votre porte, qu’il aille innocemment faire un tour, et que moi, je puisse vous assassiner en toute tranquillité avant de faire subir la même chose à cette grosse araignée de m’évader par la fenêtre. Amusant non ?

L’araignée regarda avec inquiétude le psychiatre se lever et courir à la porte. Le gardien était derrière et le regarda avec des yeux ronds. Le psychiatre soupira de soulagement avant de retourner s’asseoir et de conclure l’entretien.

<< Je crois que ca suffit pour aujourd’hui Mordred. Nous nous reverrons bientôt.

– Je n’en doute pas docteur. J’espère que cela vous a plu.

– J’ai fortement apprécié votre sens de la mise en scène. Mais à votre place, je n’en serai pas aussi sur. Mon sens de l’humour laisse à désirer, voyez vous.

– Au revoir docteur.

-Adieu Mordred. Gardien !>>

Alors que le mystérieux patient quittait le cabinet, le psychiatre s’effondra dans son fauteuil. Il hésita longuement, mais finit par inscrire le nom de Mordred dans ses rendez-vous quelques pages plus loin. Si il avait pu l’entendre, le psychiatre aurait peut-être saisi l’avertissement que l’araignée lui criait de toutes ses forces : “Noooooon, le garde avait un café plein à la main !”